La solitude. en 8 mois.
[Texte écrit en octobre 2014]
Une drôle d'impression qui me poursuit. Un poids lourd à porter. La solitude. L'impression d'être seule. De ne pas savoir vers qui se tourner, une impression de toujours déranger, qu'il faudrait pouvoir se débrouiller seule. Je commence à comprendre pourquoi je suis devenue ainsi. Si seule même en étant entourée. Pourquoi je ne peux pas faire confiance, pourquoi je n'ai jamais parlé, de ça, comme de tous mes autres problèmes.
J'ai toujours été la personne à qui parler lorsque ça n'allait pas. J'ai, durant des années, rempli ce rôle sans sourciller, sans que l'on me demande comment j'allais. Moi, si forte, si droite. Je ne peux qu’aller. Je n'ai pas le droit de ne pas aller, pour les autres. J'ai porté ma croix et celle des autres. Puisque j'ai admis il y a longtemps que je n'étais rien. Que ma vie importait peu. A défaut de remplir ma vie de personne sur qui je pouvais compter, j'ai été celle qui rempli la vie des autres. Celle sur qui on peut compter, à tout moment. Prête à assumer des erreurs qui ne sont pas les miennes pour ne pas laisser les autres sombrer dans cette solitude que je ressens si souvent.
C'est triste. Une séance avec la psy et quatre crises en moins de vingt-quatre heures et je me rends compte que je suis plus seule que jamais. "N'y a-t-il pas quelqu'un que vous pouvez appeler lorsque ça ne va pas, quand vous revenez à vous, pour vous encrer plus vite au présent?" Non. Parce que demander de l'aide, c'est donner des armes pour être blessé plus tard. Parce que je ne suis rien et dois porter mon fardeau seule. Parce que qui aura le coeur assez accroché pour ce que j'ai à dire ? Parce qui ne se lassera pas de m'entendre ? Parce que si je parle aux quelques personnes qui compte à mes yeux, je prends le risque de les perdre. J'ai tout perdu, je ne veux plus perdre. J'ai trop perdu et je ne supporterai pas cela.
Alors je reviens à moi après quatre crises. Seule. Avec les sentiments de mon passé. Peur, douleur, solitude. Et les sentiments de mon présent. Solitude, peur. La douleur en moins, mais la douleur de mon passé est suffisamment forte pour venir me hanter dans mon présent. Mon présent et mon passé ne forment qu'un. Ce sont toujours les mêmes sensations qui reviennent. La solitude en tête.
J'avais, et j'ai toujours, des amis durant cette période. Pourtant j'étais plus seule que jamais. Seule puisque personne n'a voulu voir ce qu'était ma vie. Je menais une double vie. La pseudo Al'Khan, en public, était admirée, aimée et entourée. La pseudo Al'Khan du privé, seule comme jamais. Prisonnière de son corps, de sa tête. Seule. Le jour, remettre un masque, et faire croire que tout va bien, tout en étant là pour les autres. Ben oui, qu'est-ce qui peut lui arriver à cette Al'Khan-là ? Elle a toutes les attentions, fait ce qu'elle veut, a du "pouvoir". Alors j'étais là pour les autres, à défaut d'être là pour moi. Présente à chaque fois que ça ne va pas. Combien de fois, j'ai récupéré des amies en larme après qu'il se soit énervé contre elles ? Combien de fois, j'ai pris tous les tords sur moi ? Je ne suis plus rien, et de toute façon, ça m'arrivera quoi qu'il arrive. Au moins, il aura une excuse. Il y aura une explication. Ce sera ma faute.
Cercle vicieux. Si j'avais été moins seule, ça se serait arrêté. Si quelqu'un s’était inquiété pour moi, juste une fois, ça se serait arrêté. J'attendais désespérément que quelqu'un prenne de mes nouvelles. "Si j'avais pu parler. Si quelqu'un s'était inquiété pour moi, juste une fois, ça se serait probablement arrêté" ai-je dis la dernière fois à la psy. "Si vous aviez parlé, ça se serait arrêté et surtout, il aurait été arrêté" me répondit la psy. Oui. Ça se serait arrêté. Mais j'ai attendu près de deux ans pour que quelqu'un me demande ce qui se passait derrière ces murs. Mais personne ne m'a jamais rien demandé. Personne n'a jamais voulu savoir.
Je suis seule puisque tout le monde m'a abandonné. Je suis seule puisque je ne suis rien. Je suis seule puisque je ne vaux pas la peine d'être aidée. Je suis seule. Comble de l'ironie, de la manipulation, la seule personne à me demander pourquoi je ne vais pas, c'est lui. Celui qui me tue jour après jour est la seule personne à prendre de mes nouvelles. Comment suis-je sensé grandir sans devenir folle ?
Et comment ne pas se sentir ... différente et seule lorsqu'on regarde le monde évoluer autour de soi, que tout le monde semble avoir une place, un avenir, une vie. Et moi, je reste là, à naviguer entre mon passé et mon présent. Se laisser du temps bien sur. On ne cesse de me le répêter. Ce n'est pas en trois mois que je vais pouvoir mettre un terme à plus d'un an d'horreur. Mais qui comprend que je n'ai pas le temps. Pas le courage non plus. C'est juste... trop. J'ai tenu, probablement parce que j'avais l'impression d'être important pour certains. Je n'attends rien en retour. Je suis heureuse d'avoir aidé des personnes à ma manière. Heureuse d'avoir fait ce qu'il fallait faire. Maintenant je tente de survivre. Pour moi. Et d'ici quelques années, on parlera peut-être de vivre.
J'ai été seule durant tant d'année que je porte encore tout cela comme un fardeau. Je suis entourée tout en mettant des murs parce que j'ai peur. Peur que mon équilibre si précaire s'effondre.
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On est maintenant en juin 2015. 8 mois se sont passés depuis que Al'Khan a écrit ce texte, posté à ce moment là sur sa page facebook. Le texte est l'original avec seulement quelques passages de supprimés afin de garder l'anonymat. Comprenez bien, dans sa tête malade, elle a toujours peur que l'on sache qui elle est.
Juin 2015. Les choses ont bien changés pour elle. En bien pour ce qui est de sa solitude. Elle la traine toujours comme une amie, mais plus comme sa seule amie. Elle a parlé a plusieurs personnes, elle s'est ouverte à certaines de ses amies qui sont là pour la soutenir.
Alors oui, par moment elle n'arrive pas à se sentir entourée et reste enfermée dans sa bulle avec sa solitude et déprimée. Mais elle arrive de plus en plus à parler, à dire lorsque ça ne va pas.
Elle a eu la chance de rencontrer des gens qui lui répêtent inlassablement de dire lorsque ça ne va pas. Alors elle le dit, c'est devenu, avec son éternelle "je sais pas", une de ses phrases préférée le "ça va pas".
Enfin, elle ne le dit pas encore à tout le monde. Loin de là même, c'est une phrase qu'elle a toujours de la peine à dire, elle ne veut pas être un boulet, elle ne veut pas être compliquée à gérer et donc elle garde tout pour elle encore bien souvent. Mais parfois elle arrive à le dire et à chaque fois ça la soulage un peu. De donner un peu de son fardeau.
Elle est cependant encore incapable d'expliquer "ce qui ne va pas". Il y a trop de chose qui ne va pas pour simplement en ressortir quelque chose de précis, rien ne va parfois. Mais au moins elle le dit parfois...
Elle se souvient de l'an passé où une amie lui disait que porter le sac des comissions à deux, lorsqu'il est lourd, est plus facile. A ce moment là, Al'Khan ne voulait pas partager ce fardeau et son amie avait du insister pour qu'elle accepte.
Cette amie avait eu raison d'insister. Et c'est cette même personne qui a réussi à lui faire dire, pour la première fois, que ça n'allait pas.
Vous l'aurez compris, ce n'est pas simple mais ça évolue, en huit mois, elle a réussi à se reconstruire un "petit monde", entourée de personne en qui elle peut réellement faire confiance. Elle n'ose toujours pas sortir de sa zone de confort, mais pour le moment ça lui convient.
Le sentiment de solitude est toujours là, surtout lors des crises et le soir. Elle est toujours incapable de téléphoner lorsque ça ne va vraiment pas, mais parfois elle arrive à l'écrire. Elle a toujours trop peur de déranger, que ses problèmes ne soient pas justifier.
Mais ça change, ça évolue et ça avance, c'est déjà pas mal.